Tous les mois, les Apéros Youth We Can! donnent la parole à des jeunes engagé·e·s qui viennent raconter leurs parcours et partager leurs visions d’une société plus inclusive et responsable. L’objectif ? Créer le déclic chez celles et ceux qui n’osent pas encore s’engager et les accompagner pour sauter le pas !

Pour ce nouvel apéro, nous nous sommes retrouvé·e·s à La REcyclerie, tiers lieu éco-responsable en bordure de la petite ceinture de la Porte de Clignancourt, afin de mieux comprendre les différentes formes de militantisme écologique plus directes et engagées, faisant le constat de l’inaction ou du climato-scepticisme des décideur·se·s, et qui visent à attirer davantage l’attention sur le sujet du réchauffement climatique.

Face à ces questionnements, nous avons eu le plaisir d’échanger avec des militants engagés dans des méthodes d’actions plus concrètes : Jonathan de Greenpeace France, Mojo de Extinction Rebellion Paris Nord, et Gaspard de Youth For Climate France.

Jonathan, membre de Greenpeace France et militant Attac et EELV

Jonathan est engagé chez Greenpeace France depuis maintenant 1 an. Il a commencé son engagement chez Extinction Rebellion fin 2021, et a par la suite milité dans plusieurs autres associations, notamment Alternatiba / ANV COP 21, avant de rejoindre Greenpeace France. A Paris, il y a 4 groupes locaux : le groupe de Paris-Denfert qui couvre la rive gauche, et 3 autres groupes couvrant le reste de Paris.

Jonathan a donné plusieurs exemples d’actions menées par Greenpeace France, souvent en coordination avec d’autres organisations, auxquelles il a participé : une de leurs dernières campagnes portait notamment sur la sobriété énergétique, et consistait en l’extinction de panneaux lumineux publicitaires dans la rue. Plus récemment, il a participé à une action coup de poing devant le ministère de l’Ecologie, consistant à brandir des pancartes et visibiliser leur combat auprès de l’opinion publique et du gouvernement.

Jonathan est revenu sur un des principes primordiaux de Greenpeace France : leurs actions sont avant tout non-violentes, non seulement envers les personnes, mais également envers les objets. Un autre principe important est celui du consensus d’action : Greenpeace organise et participe à beaucoup d’actions en commun avec d’autres organisations, il est donc important de poser des règles sur lesquelles tous·tes les militant·e·s et organisations se positionnent avant toute action. La communication est primordiale : il faut discuter, s’organiser, se coordonner… En tant que membre de l’AES (Alliance Ecologique et Sociale, un collectif pour la justice sociale et climatique fondé en janvier 2020), Greenpeace France a accès à des plateformes nationales organisant les actions communes entre organisations, fluidifiant ainsi la communication.

Plusieurs actions sont prévues prochainement : en inter-organisations, ATTAC et Greenpeace France prendront part à une action contre Total-Energies, consistant à bloquer son Assemblée Générale, en empêchant les actionnaires de rentrer dans le bâtiment. Greenpeace France a également prévu de participer à une action moins offensive mais bien visible, consistant à former une haie d’honneur à la Gare du Nord de Paris pour accueillir et féliciter les voyageur·euse·s, afin d’encourager et inciter les gens à prendre le train plutôt qu’un autre mode de transport plus polluant. Greenpeace France a également prévu cet été de tenir des stands éphémères et ludiques dans les festivals et les lieux à tendance écologistes, portant sur plusieurs thématiques, notamment le nucléaire (un sujet que Greenpeace aimerait à nouveau reprendre en main après l’avoir un peu délaissé ces dernières années) : c’est la partie plaidoyer et sensibilisation de la stratégie de Greenpeace France, complémentaire avec sa partie action.

 

Gaspard, membre de Youth For Climate France

Youth For Climate France est la branche française de Fridays For Future, mouvement lancé par Greta Thunberg en 2018, consistant en une mobilisation de la jeunesse contre le réchauffement climatique via des grèves massives pour le climat, généralement le vendredi.

Youth For Climate France prône une écologie sociale et radicale, avec plusieurs modes d’action. Il·elle·s organisent des actions de sensibilisation (via des interventions dans des écoles afin d’expliquer aux jeunes le dérèglement climatique et l’engagement écologique) ; des maraudes (recherche et redistribution d’invendus alimentaires) ; des « petites » actions (collages, retirer les publicités des panneaux lumineux publics et les remplacer par des tracts militants, dénonciation des crimes écocides et sociaux de marques de fast-fashion telles que Zara) ; et des plus grandes actions de désobéissance civile, considérées comme illégales par les autorités publiques, mais qui sont légitimes (blocages, recouvrir de peinture les murs de bâtiments symboles du monde capitaliste tels que des banques, et occupation de lieux : en 2019, il·elle·s ont occupé le siège de Black Rock, un fond d’investissement privé écocidaire ; il·elle·s ont aussi bloqué le siège social d’Amundi, premier investisseur de Total Energies, afin de protester contre le projet pétrolier Eacop en Ouganda).

D’où vient l’engagement de Gaspard ? Il a participé aux grèves de Youth For Climate lorsqu’il était au lycée, avant de rejoindre durablement le mouvement. La particularité de YFC, c’est que c’est un mouvement primo-militant (les jeunes y commencent leur engagement et s’y forment, leur permettant de savoir organiser des actions, se défendre juridiquement, militer…), et c’est surtout un mouvement de jeunes : YFC a récemment réalisé un formulaire sociologique et a constaté que la moitié de ses membres avait moins de 18 ans (une génération qui a grandi avec la menace du changement climatique…). Ce dernier point est une des raisons pour lesquelles YFC fait ses actions à visage couvert, afin de protéger leurs militant·e·s des gardes à vue et des procès, qui peuvent être traumatisants et problématiques pour le futur des jeunes.

Quelles sont les valeurs de Youth For Climate France ? Anticapitalisme, horizontalité et autogestion (pas de direction nationale, chacun·e au niveau du groupe local s’investit, prend des initiatives, s’organise, et se coordonne entre antennes). Les groupes locaux sont également en lien avec des groupes internationaux, par exemple Fridays For Future Colombie, afin d’organiser des actions le même jour et ainsi leur donner plus d’ampleur.

Gaspard constate clairement l’efficacité de ses actions, notamment le blocage d’Amundi qui a permis de montrer au grand jour les actions de certains fonds d’investissements ; Amundi est en train de totalement se désinvestir de Total Energies, qui a d’ailleurs repoussé son projet Eacop de 1 an, par manque de financements. Comme certaines entreprises ne peuvent plus se permettre d’avoir mauvaise presse, la mobilisation fonctionne.

Leur prochaine grande campagne portera sur les JO de Paris 2024, qui sont, selon le mouvement, une ruine économique, sociale et écologique. YFC a appelé ses membres à s’y inscrire en tant que bénévoles et ensuite ne pas y aller, afin de dénoncer l’impact environnement et social énorme du projet, et impacter l’organisation de l’événement.

Mojo, membre de Extinction Rebellion Paris Nord

Mojo est un surnom : à Extinction Rebellion, les membres ont des pseudonymes pour protéger leur vie privée. Mojo est arrivé chez Extinction Rebellion il y a 1 an, après les manifestations de l’entre-deux tours des élections de l’année dernière. Face à son éco-anxiété très présente, il a considéré que le meilleur moyen de lutter était d’agir concrètement : après un an à faire plusieurs types d’actions (notamment retirer des affiches de publicité dans la rue), il se sent beaucoup plus confiant car a un sentiment de réappropriation de l’espace public.

Extinction Rebellion est un mouvement de désobéissance civile non violente. Il·elle·s portent plusieurs revendications, notamment celle de demander à l’Etat d’arrêter de mentir sur les conséquences du réchauffement climatique (les accords de 1,5 degrés étant largement insuffisants par rapport à la catastrophe en cours), et demandent une consultation de la population sur les assemblées citoyennes (comme ce qu’il s’est passé lors de la convention citoyenne pour le climat) qui soit réellement écoutée.

Extinction Rebellion prévoit plusieurs actions prochainement : en juillet, il·elle·s participeront à une grande campagne contre Total Energies et ses financeurs avec plusieurs autres collectifs : selon Mojo, s’attaquer à là d’où vient l’argent et aux financeurs est vraiment le point sensible pour faire changer les choses. Cela peut d’ailleurs se constater face à la réaction ferme de l’Etat et des forces de l’ordre : les militant·e·s d’Extinction Rebellion vont souvent en garde à vue, parfois pendant plus de 70h, témoignant selon Mojo du fait que leurs actions gênent, et par conséquent sont réellement porteuses de changement, face à un Etat qui ne lutte pas concrètement contre le réchauffement climatique.

La spécificité d’Extinction Rebellion est leur « culture régénératrice » : les militant·e·s prennent soin d’eux·elles (via des cycles de formation, des apéros, des cours de yoga), afin qu’ils et elles se sentent suffisamment fort·e·s pour aller faire des actions qui potentiellement mèneront à de la répression étatique et des gardes à vue. Selon Mojo, il y a des moments où on est forcément confronté·e·s à des blocages, où on l’impression de pas arriver à faire le maximum ; mais l’important, c’est de faire de son mieux, de s’engager à sa hauteur, car tout le monde peut avoir un vrai impact.

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