Muhammad Yunus reçoit en 2006 le Prix Nobel de la Paix pour ses travaux et ses initiatives visant à éradiquer la pauvreté. Dans cet entretien, il revient sur la nécessité de créer un monde d’après résilient, qui se base sur une approche Zéro exclusion, Zéro carbone, Zéro pauvreté.

Face à la crise de la COVID-19, de nombreux analystes s’accordent sur la nécessité d’une profonde transition pour créer des sociétés plus résilientes. Pour vous, de quoi cette crise a-t-elle été le révélateur ?

Cette pandémie a été la source de bien des malheurs dans le monde entier. Plus de la moitié de la population mondiale a perdu ses moyens de subsistance. Nous avons pu voir combien la vie est fragile, tout particulièrement dans le secteur informel, avec des millions de personnes qui se sont retrouvées du jour au lendemain privées de toit et de nourriture. Toutes les faiblesses de notre système sont désormais bien visibles.

Dans le même temps, on a vu émerger des débats sur la manière de revenir au plus vite au monde d’avant la pandémie. Or, pour ma part, je vois le coronavirus comme une occasion de ne pas revenir en arrière. A quoi cela servirait-il ? C’était un monde terriblement dangereux, et au bord du désastre. Nous devons partir dans une autre direction, et prendre des décisions nouvelles, d’une audace inédite.

Par vos actions et votre vision d’un monde « Trois Zéros – Zéro pauvreté – Zéro Chômage, Zéro émission nette de carbone », très proche de celle de Convergences, vous êtes l’un des principaux défenseurs des ODD. Selon vous, pourquoi les ODD doivent-ils être en première ligne de tout plan de relance ?

Les Trois Zéros représentent le monde que nous devons créer. Nous vivons dans un contexte de réchauffement climatique extrême, doublé d’une concentration des richesses obscène. Pour y remédier, nous devons réunir en priorité les conditions pour créer un monde Zéro pauvreté, Zéro exclusion, Zéro carbone.

Les 17 ODD rentrent un peu plus dans le détail. On peut les voir comme la solution aux problèmes que nous nous sommes créés. Bien que je soutienne fermement les ODD, il faut nécessairement reconnaitre que c’est nous qui avons créé les conditions qui rendent ces 17 objectifs essentiels. La solution ne peut donc pas se trouver dans nos anciennes manières d’agir et de penser, dans nos structures et systèmes obsolètes qui sont eux-mêmes à l’origine de ces problèmes. Comment nous y prendre pour atteindre les ODD ? Dans le système actuel, c’est impossible : il nous faut un système alternatif.

Dans un monde fini aux ressources limitées, l’économie ne peut être infinie. Une croissance continue, mesurée par le PIB par habitant, est en contradiction avec le développement de sociétés résilientes. Pensez-vous qu’il soit possible de concilier croissance et avenir durable ?

Le PIB ne dit pas tout. C’est un indicateur unidimensionnel qui nous indique combien nous produisons. Mais le plus important, c’est de savoir qui possède quoi. Pour moi, la facette la plus dangereuse de l’économie, c’est l’extrême concentration des richesses. Les personnes qui créent véritablement les richesses n’en voient pas la couleur. Pourtant, lorsqu’on divise la valeur de la production totale par le nombre d’habitants, le chiffre semble être le même pour tout le monde. Le PIB par habitant est donc un concept tout à fait inutile et explosif. Quelle proportion du PIB est réellement distribuée, et comment ? Voilà la question qu’il faudrait poser. C’est indispensable si l’on veut bâtir des sociétés apaisées. Le PIB ne prend pas non plus en compte la responsabilité sociale. Or nous pouvons produire une formidable croissance tout en détruisant la planète.

Le social business est-il la deuxième dimension indispensable pour favoriser la responsabilité sociale ?

Le social business, ça n’apparait pas dans les statistiques. Toute entreprise, nous dit-on, a pour but la maximisation du profit. On nous dit aussi que les individus n’agissent toujours que dans leur propre intérêt. Pour moi, c’est complètement faux. Les êtres humains sont mus par une dimension bien plus forte, qui est l’intérêt général. Dans une économie où les individus sont poussés par leur propre intérêt autant que par l’intérêt général, on verrait deux types d’entreprises. Certaines visant des intérêts privés – ce que nous avons déjà actuellement – et d’autres axées sur l’intérêt collectif : le social business.

Les ODD sont des objectifs adaptés à la création de ce type d’entreprises, puisque celles-ci visent à s’attaquer au réchauffement climatique, à la pauvreté, aux questions de santé, etc. La pandémie de coronavirus nous offre l’occasion de penser différemment, et de mettre en commun nos réflexions, notre créativité, pour aller dans cette direction-là.

Pour vous, quel est le principal obstacle à une véritable et profonde transition vers une société plus résiliente et plus durable ?

Les mentalités. Nous pensons que la maximisation du profit est la solution. On nous dit aussi que tout le monde ne peut pas être entrepreneur. Le système nous apprend à chercher un emploi plutôt qu’à entreprendre. Mais c’est faux : les êtres humains sont fondamentalement des entrepreneurs-nés. C’est justement la pensée inverse qui mène à la concentration des richesses. Les possédants seraient incapables d’amasser eux-mêmes de telles richesses si on ne travaillait pas pour eux.

Remettre à plat notre manière de réfléchir nous ouvre des pistes. Cette idée selon laquelle nous ne serions pas des entrepreneurs est artificielle. Nous devons la déconstruire et nous mettre à regarder les choses autrement.

En quoi les « Trois Zéros » peuvent-il constituer la feuille de route du monde de demain ?

Pour construire le monde des Trois Zéros, nous devons tout arrêter et inverser la tendance, dans tous les domaines. Nous devons par exemple cesser de contribuer au réchauffement climatique, pour basculer vers les énergies renouvelables. Nous devons procéder entreprise par entreprise, pour orienter toute la production vers un impact positif. Concernant la pauvreté et la concentration des richesses, nous savons que l’entreprise définie comme maximisation du profit est le problème. Pour contribuer à un monde durable, les entreprises de demain doivent également rechercher l’intérêt commun. Pour ces nouvelles entreprises, ces social business, il nous faut un nouveau système bancaire, de nouveaux fonds d’investissement, une nouvelle bourse.

Les chemins du passé nous emmèneront toujours vers les mêmes destinations, celles du passé. Alors pour changer de destination – et arriver aux Trois Zéros – nous devons construire de nouveaux chemins. C’est inévitable.

Propos recueillis par
Carine Valette
Responsable communication & publications
Thibault Larose
Directeur
Convergences

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