Parvenir à l’égalité des sexes » d’ici 2030. C’est l’ambition de l’Objectif de développement durable (ODD) numéro 5, adopté par les Nations Unies en 2015 aux coté de seize autres objectifs. De nombreux obstacles se dressent pourtant sur sa route. Pour qu’il soit atteint en 2030, les efforts doivent s’accentuer, d’autant plus que l’ODD 5 est particulièrement transversal. Voici pourquoi.

Egalité femmes-hommes, égalité des sexes, égalité de genre, approche genre : tous ces termes, qui ne sont pas parfaitement synonymes mais entrent dans le cadre de l’ODD 5, ont un point commun. Ils recouvrent des approches à la fois transversales et spécifiques.

En premier lieu, l’ODD 5 est inextricablement lié aux seize autres, qui composent l’agenda 2030. L’approche genre doit donc infuser l’ensemble des secteurs. Par exemple, une action en faveur de la scolarisation des filles sera vaine si ces dernières sont tenues à l’écart de l’école pour des questions de santé, économiques, de rapports sociaux, etc.

Ce caractère transversal se retrouve notamment dans les critères de sélection du Comité d’aide au développement de l’OCDE, qui labellise les projets intégrant une dimension genre sans en faire l’objectif premier. Cela dit, et pour éviter que « ce qui est partout soit nulle part », il faut aussi conduire des projets visant spécifiquement la réduction des inégalités femmes-hommes et l’empowerment des femmes et des filles.

Deuxièmement, le caractère universel de l’ODD 5 est particulièrement évident. A l’inverse des ODD, qui s’appliquent à tous les pays, leurs prédécesseurs, les Objectifs du Millénaire (OMD) pour le développement, se restreignaient aux pays en développement. Le passage des OMD aux ODD a permis une grande avancée en termes de cohérence, car les mécanismes établissant les inégalités femmes-hommes sont les mêmes, que l’on se trouve ou non dans un pays dit en développement ou dans le pays le plus prospère du monde.

Les violences sexuelles et sexistes, les mariages forcés, la déscolarisation des filles, le manque d’accès des femmes à la propriété, à un compte bancaire ou même à l’identité, les inégalités salariales, la sous-représentation des femmes dans les processus politiques, constituent tous des déclinaisons d’un même phénomène : le statut social inégalitaire entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des sociétés.

Ces discriminations amplifient également les conséquences pour les femmes de phénomènes qui impactent pourtant les individus sans distinction. Le changement climatique en est un bon exemple : si l’ensemble des individus sont touchés, il exacerbe les conditions de vulnérabilité dans lesquelles les femmes se trouvent. Un élément qui paraît extérieur aggrave des inégalités dues à l’organisation des sociétés humaines.

Une approche réellement transformative

Si le caractère universel de l’Agenda 2030 est une clé fondamentale pour comprendre l’intérêt de l’ODD 5 et, surtout, pour le mettre en œuvre, l’approche genre est par ailleurs transformative au-delà des inégalités femmes-hommes, pour deux raisons.

Premièrement, adopter une approche genre signifie gagner en efficacité pour les politiques d’aide au développement. En désagrégeant les données par sexe – une méthode qui peut être appliquée à d’autres facteurs (âge, revenus, etc.) – dans une même phase d’un projet ou d’une politique, on cerne mieux le public cible, et les réponses à apporter à ses besoins.

Deuxièmement, et de façon encore plus cruciale, l’approche genre est par définition une remise en question des rapports de pouvoir. Elle contribue donc largement à la déconstruction d’un modèle inégalitaire, passage obligatoire pour un développement véritablement durable.

Pour ces raisons, les transitions dans tous les domaines (écologique, numérique, etc.), doivent se faire avec la pleine participation des femmes et des filles. Que ces dernières prennent part au même titre que les hommes aux processus de décision sera à la fois le signe que l’on se rapproche de l’égalité entre les sexes, mais aussi un facteur d’efficacité pour atteindre les autres ODD. Une étude récente de l’International Peace Institute a ainsi récemment fait le lien entre l’ODD 5 et l’ODD 16 (Paix, justice et institutions efficaces) en démontrant que les processus de paix intégrant les femmes ont 35% de chances supplémentaires de durer plus de 15 ans  !

Néanmoins, l’atteinte d’une égalité réelle nécessiterait également une reformulation de l’ODD 5. « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » : cette formulation fait des femmes et des filles des individus passifs ! Certes, le terme d’ « empowerment » n’est pas facile à traduire, mais on voit bien ici que le langage reflète, involontairement ou non, une conception étroite du changement. C’est à la voix active que les femmes et les filles construiront leur avenir.

NICOLAS RAINAUD
RESPONSABLE PLAIDOYER
EQUIPOP & WOMEN 7

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