En plein essor en Europe au cours des dernières années, la microfinance démontre un potentiel de croissance important, resultant en partie des conséquences néfastes de la crise économique sur les populations défavorisées et de l’importance de l’inclusion financière pour celles-ci.
De plus, avec le rapide développement de l’auto-entrepreneuriat et l’augmentation du nombre de création d’entreprises, le rôle de la microfinance est d’autant plus important que les microentreprises – qui représentent 92% du nombre total d’entreprises européennes – doivent surmonter de nombreux obstacles, tant dans leur création, que dans leur recherche de ressources financières. Il existe donc encore aujourd’hui en Europe une demande importante de financement non satisfaite, en particulier pour les microentreprises et les auto-entrepreneurs.
Une étude récente commandée par le Réseau Européen de la Microfinance (REM) et le Centre de Microfinance (MFC) pour evers & jung évalue le potentiel total du marché du microcrédit aux entreprises à 2,7 millions de demandes de prêts dans l’UE-28, soit un volume total de 17,4 milliards d’euros de demande potentielle en 2016. Cette estimation révèle les besoins en financements des petites entreprises et souligne le rôle à jouer par les acteurs du secteur bancaire et non bancaire, y compris des fournisseurs de financement alternatifs comme les plateformes peer to peer ou les prêteurs du marché gris. A ce sujet, l’essor récent de la microfinance en Europe révèle bien l‘importance de ce secteur pour les entreprises/indépendants et les microentreprises existantes qui sont exclues des services bancaires traditionnels.
Un secteur en pleine croissance
Comme le révèlent les données préliminaires du rapport d’enquête 2016-2017 du Réseau Européen de la Microfinance et du Microfinance Center (REM-MFC), le secteur de la microfinance a connu une croissance constante au cours des dernières années en Europe. En 2017, les institutions de microfinance (IMF) interrogées ont octroyé près de 700 000 microcrédits pour un volume total de plus de 2 milliards d’euros. Au total, en 2017, les IMF européennes ont déclaré près d’un million d’emprunteurs actifs, avec un encours brut de microcrédits de 3,1 milliards d’euros. Si l’on considère une période de six ans (2012-2017), ces indicateurs atteignent un taux de croissance de plus de 50%, confirmant le dynamisme du secteur de la microfinance en Europe.
Outre ce développement continu, les données disponibles les plus récentes confirment l’hétérogénéité persistante du secteur de la microfinance en Europe. En termes de diversité institutionnelle tout d’abord, l’éventail des acteurs qui fournissent des microcrédits est large : principalement des organisations non gouvernementales (ONG) – la forme juridique la plus courante – suivi des institutions financières non bancaires (IFNB) et des caisses de crédit et coopératives financières. En termes d’objectifs sociaux ensuite, l’amélioration de l’accès aux services financiers apparaît de loin comme la mission principale poursuivie par les IMF en Europe. Cependant, ce résultat est moins prononcé en Europe de l’Ouest où la mission de création d’emploi est presque aussi importante que l’inclusion financière (voir p.6).
Les résultats préliminaires de l’enquête REM-MFC confirment que les microcrédits aux entreprises – qui soutiennent les auto-entrepreneurs et les microentreprises avec des prêts allant jusqu’à 25 000 euros – restent de loin le principal produit financier offert par les IMF en Europe, suivis par les microcrédits personnels. Ces derniers sont destinés à couvrir les besoins essentiels des clients vulnérables tels que le loyer, l’éducation et les urgences personnelles, et permettent des investissements dans la formation et l’employabilité. Au-delà des microcrédits, les IMF proposent également d’autres produits financiers, comme les prêts aux entreprises de plus grande taille (par exemple, plus de 25 000 euros pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises) et des produits d’épargne, ce qui confirme les résultats de l’enquête sur la période précédente (2014-2015).
Il convient de souligner que la portée du secteur de la microfinance en Europe ne se limite pas à la fourniture de services financiers à des personnes exclues des marchés financiers traditionnels. Les données statistiques disponibles démontrent en effet qu’un nombre croissant d’IMF (près de 70%) offrent à leurs clients un soutien non financier, qui constitue d’ailleurs un élément essentiel et distinctif des IMF européennes. Dans la majorité des cas, ces services sont internalisés par les IMF et sont le plus souvent fournis sous forme de coaching individuel, de conseil, de tutorat ou de sessions de groupe (ateliers, séminaires, etc.).
Appui au développement du secteur
Dans l’ensemble, ces données statistiques révèlent un fort potentiel de croissance pour le microcrédit dans toute l’Europe. Elles témoignent également du dynamisme d’un secteur qui soutient un nombre grandissant de clients vulnérables et de microentreprises grâce à l’offre combinée de services financiers et non financiers.
Malgré les résultats positifs obtenus, les IMF en Europe ont encore besoin d’un soutien public et privé adéquat pour assurer une plus large couverture des populations mal desservies, pour améliorer constamment leur capacité institutionnelle et pour pouvoir rester à la pointe de l’innovation sociale et technologique. Afin de remplir sa mission sociale, le secteur a besoin d’instruments financiers (garanties, prêts seniors, ou encore fonds propres), et de subventions pour l’assistance technique et l‘augmentation du nombre de projets pilotes.
1 Assessing the European market potential of business microcredit and the associated funding needs of non-bank MFIs, evers & Jung, 2017.
2 Analyse sur 157 IMF de 28 pays européens. L’étude complète à paraître en décembre 2018.
3 Evaluation basée sur un sous-ensemble de 34 IMF ayant répondu aux trois vagues du sondage.
Nicola Benaglio
Chargé politique et recherche
Réseau Européen de la Microfinance (rem)