L’histoire retiendra probablement son nom comme l’initiatrice d’une révolution douce mondiale : celle de la jeunesse qui se bat pour son avenir. En entamant dès aout 2018 sa grève lycéenne pour le climat, tous les vendredis devant son Parlement, à Stockholm, Greta Thunberg a propulsé les questions climatiques sur le devant de la scène. Dans un premier temps isolée, elle a rapidement été rejointe par des centaines de jeunes à travers le monde.
Avec la structuration graduelle de la mobilisation des jeunes pour le climat, 2019 marque un tournant. Et c’est le 15 mars que le monde entier découvre l’étendue de cette « génération climat » : plus de deux millions de jeunes, dans plus de 2 300 villes et dans 135 pays à travers le monde 1.
En France, si le mouvement a tardé à se structurer, il rejoint la dynamique en février 2019 et ne fait que grandir. en France, le rassemblement lors de la journée du 15 mars, portée par Youth For Climate France, témoigne de cette forte mobilisation : ce sont 168 000 jeunes dans les rues de France, dont 50 000 à Paris, qui défilent au refrain de « climate justice », « crime contre l’humanité » ou autre « plus chaud que le climat »2.
Ces jeunes vont frapper une deuxième fois le 24 mai 2019, cette fois-ci en choisissant le chemin des urnes. Résultat : une participation historique des 18-24 ans aux élections européennes, tranche d’âge chez laquelle les listes écologistes arrivent en tête3. Avec leur grève pour le climat, les jeunes ont inscrit les enjeux climatiques et environnementaux dans le débat politique et sociétal4.
On peut facilement expliquer le discours de cette génération climat en trois grandes revendications. Premièrement, héritant de la lucidité de générations de militants écologistes qui ont lutté contre les discours creux, les jeunes réclament aujourd’hui des mesures concrètes, à la hauteur des enjeux. La radicalité devient une nécessité, à la fois dans les revendications et dans les moyens d’action choisis pour créer le rapport de force nécessaire pour obtenir ces mesures : grèves scolaires, désobéissance, ou encore blocages. Il est demandé aux dirigeants de saisir l’ampleur de la crise et d’actionner l’ensemble des leviers politiques pour y répondre, à l’échelle de la société et sur tous les secteurs.
Un impératif cependant doit guider cette métamorphose : elle doit être juste, équitable et doit questionner l’humanité que l’on veut porter au travers de cette crise. C’est ainsi le deuxième pilier du message porté par les jeunes aujourd’hui. Si la porte d’entrée de ce mouvement est la crise climatique, aucun n’ignore l’étendue et la complexité des crises, interconnectées, qui se déroulent aujourd’hui : écologiques d’une part, et sociales d’autre part. Le contexte particulier de mobilisations sociales très fortes en France en amont du mouvement des jeunes pour le climat a mis en avant la nécessité de la jonction entre les questions écologiques et sociales. Cela questionne l’emploi, la répartition des richesses, les dynamiques de production et consommation dans notre société, le transport, etc.
Enfin, pour répondre à cette transformation rapide et systémique, les jeunes se tournent vers ceux qu’ils identifient comme les doubles responsables des crises actuelles et du manque de réponse à ces crises. S’ils reconnaissent l’importance de la responsabilisation individuelle, eux-mêmes prenant leur part des efforts à fournir, ils savent que cela ne sera pas suffisant. Alors qu’une centaine d’entreprises est responsable de 71% des émissions de gaz à effet de serre5, les jeunes pointent du doigt les responsables économiques et les grandes entreprises à l’origine d’émissions massives de gaz à effets de serre. Ils s’opposent également au désengagement des gouvernements, qui font souvent porter la responsabilité de l’action climatique aux citoyens plutôt qu’aux institutions politiques et économiques.
Au-delà des modes d’actions et des stratégies, les batailles ne font que commencer pour une génération climat prête à se battre pour son avenir.
1 https://www.fridaysforfuture.org/events/list
2 https://www.lemonde.fr/planete/live/2019/03/15/manifestations-pour-le-climat-suivez-endirect-la-greve-mondiale-des-jeunes_5436575_3244.html
3 https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/28/elections-europeennes-vague-verte-sur-leurope_5468494_3232.html
4 https://www.france24.com/fr/20190524-climat-greve-elections-europeennes-enjeu-scrutinurgence
5 https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/100-entreprises-responsables-deplus-de-70-des-emissions-mondiales-de-carbone_114773
MARTIAL BRETON
VICE-PRÉSIDENT
CLIMATES