Grands groupes et entreprises sociales :
quels apports croisés ?
Encore rares il y a quelques années, les coopérations entre les entreprises traditionnelles et celles de l’économie sociale sont désormais clairement reconnues comme un moyen de contribuer à l’essor de l’innovation sociale et de l’esprit d’entreprise. Brigitte Dumont (Directrice de la Responsabilité sociale d’entreprise du groupe Orange) et Sébastien Zulke (fondateur d’Alilo, et créateur de Cagette.net, plateforme de valorisation des circuits courts) nous expliquent les bénéfices d’une telle collaboration.
Quel impact recherchez-vous à travers vos activités ?
Sébastien Zulke (SZ) : Alilo est un activateur de circuit court qui a pour vocation de soutenir les agriculteurs qui font de la vente directe, c’est à dire ceux qui gèrent eux-mêmes la distribution de leur production auprès de leurs clients particuliers. Nous leur permettons de simplifier leurs prises de commandes grâce au logiciel en ligne Cagette.net. En allégeant leur charge de travail et en stabilisant leurs débouchés, les producteurs sont en mesure d’aborder leur métier plus sereinement. Les habitants des territoires sur lesquels nous travaillons voient fleurir un réseau de points de livraison auxquels ils peuvent venir chercher les produits qu’ils ont commandés en ligne. Cet outil polyvalent permet aux agriculteurs de proposer des livraisons en ville et dans les milieux ruraux. Nous nouons également des partenariats avec des associations locales qui ont vocation à coordonner le déploiement sur leurs territoires. En Corse, par exemple, une association soutient notre action pour augmenter encore plus l’ancrage de notre approche.
Brigitte Dumont (BD) : Par son activité historique d’opérateur de télécommunications, Orange participe à l’aménagement des territoires en France et hors de France. Concrètement, le groupe a investi 17 milliards d’euros depuis 2015 dans nos réseaux et 28 pays bénéficient aujourd’hui d’accès fixe et mobile. En connectant ses clients là où ils sont, Orange participe au développement socio-économique et à la lutte contre la fracture numérique dans les territoires. Au travers de ses dialogues parties prenantes et de sa politique RSE (Responsabilité sociale d’entreprise), Orange cherche à maîtriser ses impacts environnementaux et sociaux. La contribution à l’écosystème de l’entrepreneuriat social s’inscrit dans cette stratégie. Par exemple, Orange soutient en France la Ruche, incubateur dédié à l’Entrepreneuriat social, qui a notamment accompagné Alilo.
Avant de participer au programme « Digital Impact » nous voulions répondre à tous les problèmes sans stratégie claire et du coup nous étions dispersés dans nos actions. Nous étions intervenus auprès de 50 producteurs en un an à l’époque. Cette année, le cap est bien défini et nous projetons d’accompagner près de 200 producteurs. Ça s’accélère !
Pourquoi avez-vous décidé de vous engager ensemble dans un partenariat ?
BD : Le partenariat avec Alilo a du sens pour nous car il favorise l’emploi local et les circuits durables. C’est une plateforme digitale placée dans une démarche équitable, sur des circuits courts, qui dynamise les territoires en créant des points de livraison et en proposant des produits locaux. C’était donc pour nous une belle illustration de notre engagement sur le développement économique et social des territoires. De telles collaborations apportent innovation et agilité au groupe Orange et lui permettent de renforcer son impact sociétal.
SZ : Orange nous a soutenus dans le cadre du programme « Digital Impact » animé par le réseau d’espaces de coworking La Ruche. Nous avons principalement bénéficié de leurs compétences et de leurs ateliers thématiques qui nous ont permis d’affiner le modèle économique de notre entreprise. Ce partenariat s’est déroulé sur une période d’un an environ. Mon associé et moi en sommes ressortis vraiment grandis et notre entreprise se développe bien. J’espère que pour un grand groupe comme Orange, nous sommes une source d’inspiration par notre capacité à nous saisir d’un sujet et à y apporter une solution innovante.
Pour nous, l’enjeu principal est de rendre visibles les impacts positifs du numérique sur la société ou les territoires. Pour ce faire, nous avons pour stratégie de créer des partenariats avec des incubateurs qui soutiennent ensuite des entreprises comme Alilo.
Qu’attendez-vous concrètement de ce partenariat ?
SZ : Nous attendons principalement un soutien et un accompagnement dans notre changement d’échelle. Avant de participer au programme « Digital Impact » nous voulions répondre à tous les problèmes sans stratégie claire et du coup nous étions dispersés dans nos actions. Nous étions intervenus auprès de 50 producteurs en un an à l’époque. Cette année, le cap est bien défini et nous projetons d’accompagner près de 200 producteurs. Ça s’accélère ! Nous atteignons un seuil qui nous permet de pérenniser notre entreprise et d’améliorer sans cesse les fonctionnalités de la plateforme et le contenu de nos formations.
BD : Pour nous, l’enjeu principal est de rendre visibles les impacts positifs du numérique sur la société ou les territoires. Pour ce faire, nous avons pour stratégie de créer des partenariats avec des incubateurs qui soutiennent ensuite des entreprises comme Alilo. De manière générale, le plus bénéfique pour les deux parties est que cette collaboration débouche sur un contrat commercial entre l’entrepreneur et le groupe Orange : contrat de partenariat à destination des clients d’Orange ou contrat de fournisseur pour les besoins internes du groupe. Pour arriver à ce résultat,nous nous devons de maintenir une relation privilégiée et soutenue avec l’écosystème de l’entreprenariat social.
Comment favoriser l’essor de ce genre de partenariats ?
BD : Pour favoriser le développement de ces structures, il faut multiplier les contacts entre le groupe et les entrepreneurs sociaux de plusieurs façons. En créant par exemple de la porosité entre les grands groupes comme le nôtre et les structures de l’ESS, comme les Ruches, et en favorisant l’intrapreneuriat. Cette porosité permet non seulement de donner du sens à nos salariés mais également de créer, par l’intrapreneuriat, de nouvelles formes d’innovations sociales. Il faut également favoriser les collaborations entre grands groupes et entreprises sociales, et créer des activités commerciales entre eux pour que les entrepreneurs sociaux puissent devenir des fournisseurs d’entreprises classiques. Les entreprises sociales apportent des services de très bonne qualité, et il serait dommage de ne pas leur faire confiance.
SZ : Ces partenariats méritent d’être développés car les entrepreneurs sociaux ont souvent du mal à trouver un modèle économique favorable au déploiement des solutions qu’ils proposent. Les grands groupes peuvent apporter une approche plus pragmatique du business qui peut être mise au service de beaux projets. Les réseaux de coworking et d’accompagnement peuvent aussi jouer un grand rôle pour favoriser les rapprochements entre les « petits » et les « gros ». Ils savent mettre en place des dispositifs d’accompagnement et de partage de compétences.
Propos recueillis par
Baptiste Fassin
Chargé de publications et
communication
Convergences