L’ENQUÊTE D’OPINIONWAY

L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL VU PAR LES ENTREPRENEURS SOCIAUX
ET LE GRAND PUBLIC

Pour la 7e année consécutive, OpinionWay a mené pour Ashoka une enquête inédite sur la perception de l’entrepreneuriat social en France. Cette enquête dévoile la perception des entrepreneures (48%) et entrepreneurs sociaux (52%) et du grand public quant à la capacité des entreprises sociales à répondre aux problèmes sociétaux. Elle présente aussi les tendances et perspectives d’évolution du secteur à long terme.

LA PRIORITÉ POUR LES FRANÇAIS : LA LUTTE CONTRE LE CHANGE­MENT CLIMATIQUE, DEVANT LE CHÔMAGE ET LA COHÉSION SOCIALE

Pour la première fois depuis 2010, le changement climatique arrive en tête des préoccupations. En effet, 70% des entrepreneurs sociaux et 38% du grand public identifient le climat comme étant un défi majeur duquel s’occuper en priorité. Fait marquant, la très forte évolution de ces chiffres : +21 points chez les entrepreneurs sociaux et +15 points pour le grand public en seulement un an. Trois ans après la COP 21, ces chiffres témoignent d’une prise de conscience de plus en plus importante de l’urgence des enjeux climatiques.

En revanche, après avoir longtemps trôné en tête du classement, la priorité accordée à la lutte contre le chômage poursuit une baisse engagée depuis plusieurs années. Alors qu’en 2012, 66% des entrepreneurs sociaux s’ac­cordaient sur le caractère prioritaire de ce problème sociétal, ils ne sont plus que 19% à le classer en tête aujourd’hui. Même constat pour le grand public : considérée comme la priorité pour seulement 34% des sondés, la lutte contre le chômage tombe cette année à la 4e place. La question de la pauvreté occupe cependant la 2e place pour 36% des sondés. Enfin, du côté des entrepreneurs sociaux, c’est le manque de cohésion sociale qui, pour 30% des répondants, se hisse au second rang des préoccupations.

Face à ces enjeux, les entrepreneurs sociaux restent optimistes (87%) quant à leur capacité à répondre aux problèmes sociétaux. Ce chiffre connait ce­pendant une baisse de 9 points, pour atteindre le niveau le plus bas de cet indicateur depuis 2012. Plus nuancé, le grand public estime quant à lui à 68% (- 5 points par rapport à 2017) que les entrepreneurs sociaux sont utiles pour répondre aux enjeux de société et les considère pour la première fois comme les acteurs les plus innovants dans l’apport de solutions, ex-æquo avec la société civile, et devant les institutions publiques et les entreprises traditionnelles.

Graphique 1 – Types d’acteurs les plus innovants dans la résolution
des problèmes sociétaux selon le grand public

UN SECTEUR EN QUÊTE DE NOTORIÉTÉ

Si 68% du grand public a déjà entendu parler de l’économie sociale et soli­daire (ESS), seulement 38% connait le terme « entrepreneuriat social ». Un chiffre en très faible hausse (+1 point en 2018), mais qui connait une pro­gression significative (+20 points) si l’on considère les 6 dernières années.

Graphique 2 – Évolution de la notoriété des termes « économie sociale et solidaire »
et « entrepreneuriat social » au sein du grand public

La notoriété du secteur passera en partie par une meilleure communication sur son impact. En démontrant qu’ils sont sources de création d’emplois et qu’ils génèrent des externalités sociales et écologiques positives, les entrepreneurs sociaux peuvent accroître la reconnaissance du secteur auprès du grand public. Une telle communication nécessite néanmoins que l’impact des entreprises sociales soit mesuré. Or, on constate cette année que les entrepreneurs sociaux sont moins nombreux à déclarer mesurer leur impact social : ils étaient 56% en 2018 contre 63% en 2017. Coûteuse et complexe, l’évaluation de l’impact social est parfois perçue comme inac­cessible, malgré l’essor d’entreprises spécialisées dans ce domaine.

ECOSYSTÈME ET PARTENARIATS

Face aux défis nombreux et complexes auxquels ils s’attellent, les entre­preneurs sociaux développent de plus en plus de modèles économiques hybrides et basés sur les partenariats. Ceux-ci constituent un des leviers du développement du secteur : 85 % des entrepreneurs sociaux collaborent avec des entreprises classiques et 91% considèrent cette collaboration comme étant positive. Toutefois, les relations avec les institutions publiques enregistrent une réelle baisse en 2018 (-15 points) passant de 81% à 66%.

Concernant les attentes partenariales des entrepreneurs sociaux, les ten­dances de ces dernières années issues du sondage révèlent une transition d’une logique basée sur le mécénat, vers une logique basée sur la collabo­ration. Les entrepreneurs sociaux attendent désormais moins de la part de leurs partenaires qu’ils les subventionnent (-13 points) ou leur offrent des débouchés pour leurs produits (-15 points), mais au contraire qu’ils créent avec eux des synergies durables.

Les entrepreneurs sociaux souhaitent désormais trouver des partenaires stratégiques avec qui concevoir de nouveaux produits et services (61%) et échanger des compétences (+15 points en 2 ans). Ce changement de logique se manifeste également dans les budgets des entreprises sociales, moins dépendantes des subventions publiques et des dons. Pour 73% d’entre elles, les subventions publiques constituent moins de 50% du budget, et il en est de même pour 63% d’entre elles concernant les dons.

Graphique 3 – Attentes partenariales des entrepreneurs sociaux

DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR ET TECH FOR GOOD

Pour autant, ces résultats ne doivent pas masquer une réalité plus nuan­cée. En 2018, seuls 22% des entrepreneurs sociaux déclarent tirer plus de 50% de leurs revenus des recettes de leur activité, signe que le mo­dèle économique de nombreuses structures reste encore à consolider. Les entrepreneurs sociaux identifient toujours le manque de moyens financiers comme le principal frein à leur développement (43%), suivi du manque de partenariats avec les entreprises (29%).

Graphique 4 – Les freins au développement de l’entreprise
selon les entrepreneurs sociaux

Le manque de reconnaissance (19%), qui fait écho au manque de noto­riété du secteur, et une difficulté à recruter des personnes qualifiées (16%) sont aussi déplorés par les entrepreneurs sociaux. Ces chiffres expliquent en partie pourquoi seuls 69% d’entre eux (-12 points) pensent recruter dans l’année à venir. Le grand public, et notamment les jeunes sont pourtant de plus en plus attirés par l’ESS. 50% des 18-24 ans se déclarent ainsi attirés par le secteur pour y travailler en tant que salarié, et 43% pour y lancer une activité propre.

Par ailleurs, 9 entrepreneurs sociaux sur 10 estiment que les pers­pectives de développement de l’entrepreneuriat social en France sont bonnes. L’essor d’initiatives pour le développement de l’entrepreneu­riat social comme French Impact et le contexte de réflexion sur le rôle de l’entreprise au sein de la société avec la loi PACTE contribuent à la médiatisation et à la reconnaissance du secteur.

Graphique 5 – Associez-vous le numérique à l’entrepreneuriat social ?

Enfin, le développement du secteur passera également par l’utilisation du numérique. En offrant la possibilité de réduire les coûts, de propo­ser de nouveaux produits et d’augmenter la portée d’un service, il peut constituer un atout. À ce titre, les entrepreneurs sociaux sont 69% à associer le numérique et l’entrepreneuriat social (+9 points), contre seulement 28% du grand public. Les acteurs de la « Tech for Good », qui entendent mettre le numérique au service du bien commun com­mencent à se structurer pour augmenter à la fois leur visibilité et leur impact (voir article p.19).

NOTE MÉTHODOLOGIQUE

Dans le cadre de sa politique de responsabilité sociétale, OpinionWay accompagne des organisations à forte plus-value sociale et/ou environnementale dans leur développement. OpinionWay a ainsi réalisé ce sondage pour Ashoka en pro bono auprès de deux échantillons : un échantillon de 101 entrepreneurs sociaux et un échantillon de 1046 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

L’échantillon des entrepreneurs sociaux a été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview) et les entretiens ont été réalisés du 20 septembre au 5 octobre 2018.

L’échantillon auprès du grand public a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socio-professionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence. Cet échantillon a également été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI. Les entretiens ont été réalisés les 12 et 13 septembre 2018.

Les résultats doivent être lus en tenant compte des marges d’incertitude : entre 4,4 à 10 points pour l’échantillon des entrepreneurs sociaux et entre 1,5 à 3 points pour celui du grand public.

OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et les règles de la norme ISO 20252.

Baptiste Fassin
Chargé de Publications et Communication
&
Carine Valette
Chargée de Publications et Communication sénior Convergences

Aller au contenu principal