ODD 8 : LA TECH FOR GOOD

 

LA TECH SE MET AU SERVICE DES ODD

Introduction : La tech au service du bien commun

Mettre la technologie au service du bien commun ? Oui c’est possible et c’est l’ambition de ce jeune secteur qu’est la Tech & Science for Good. La France étant l’un des pays les plus prolifiques d’Europe en terme de création de startup numériques, il est naturel de constater que le secteur des Tech for Good soient sur une voie ascendante ces dernières années. Son rapide développement peut aussi s’expliquer par sa très large couverture de domaines d’activité offrant de nombreuses possibilités entrepreneuriales comme l’insertion professionnelle, l’éducation, la santé et bien d’autres.

Il faut savoir que le secteur des Tech for Good n’est pas exclusivement réservé à l’ESS et vise à agrandir son écosystème vers les grandes entreprises Tech. En effet, l’objectif est d’influencer les pratiques comme en atteste le sommet Tech for Good de mai dernier qui réunissait tous les leaders mondiaux de Tech. C’est dans ces conditions que la 11ème édition de Forum Convergences a proposé à un certain nombre de ces acteurs de s’exprimer sur leurs solutions et leurs perspectives d’avenir pour les Tech for Good en France et à l’étranger.

Un écosystème en transition pour la Science & Tech For Good en France

La Tech for Good était il y a encore peu de temps un secteur très atomisé de par ses nombreux acteurs. Ce constat a mené à la création du mouvement France Eco-Sociale Tech (FEST) qui a aujourd’hui pour objectif de fédérer tous les acteurs de l’innovation scientifique et technologique autour des Objectifs de développement durable. Désormais, FEST propose une nouvelle approche en rassemblant tous les domaines d’activité composant les Tech & Science for Good afin de faire du secteur une seule et unique communauté enclin à développer des synergies et  favoriser les partages d’expériences. C’est l’opportunité pour tous les acteurs de l’écosystème (entrepreneurs, incubateurs, fonds d’investissement etc.) d’être représentés et d’avoir la possibilité de faire des propositions concrètes auprès des institutions publiques et privées. Une telle initiative devrait permettre la construction d’un écosystème solide pour les années à venir et ainsi faire de la Tech for Good un acteur économique majeur en France.

Le numérique est à la fois une opportunité et un frein car inégalement répartis. Il doit être « appropriable ». C’est un outil pour relier des initiatives individuelles et leur donner une ampleur beaucoup plus importante. Le numérique permet de développer par exemple de la multi activité pour des gens qui ne veulent pas abandonner des compétences dans le salariat. Il faut faire émerger un numérique inclusif qui protège.

Il est à présent nécessaire de privilégier une approche par le collectif et la capabilité et réfléchir à comment développement la possibilité de faire individuellement et collectivement mais aussi vis-à-vis des individus 

Geneviève Fontaine

Centre de recherche TETRIS

Un secteur qui tend à se développer vers des initiatives multi-acteurs

Cette méthodologie de travail transversale donne lieu à de nombreuses initiatives allant dans le sens de la coopération sectorielle. MakeSense, par le biais de son programme « Future of Waste energy for climate », vise à la construction d’une communauté en ligne pour identifier les innovations ou bonne pratiques à travers le monde et avance que « Personne n’a la solution seule ». Il est aussi possible de citer dans le domaine de la science, Soscience, qui propose des rencontres intitulées « The Future of [thème] », des événements rassemblant ONG, entreprises et chercheurs avec pour vocation de créer des collaborations transversales suivies dans le temps par Soscience.

Pour finir, l’association Entourage représentée par Jean-Marc Potdevin, rappelle qu’il est indispensable de fonctionner en écosystème. Selon lui, si une chose est sûr c’est que c’est le citoyen va réinventer l’engagement que ce soit par le bénévolat ou l’associatif, la seule question est de savoir où, quand et comment. En lançant une application mobile avec plus de 4300 actions de proximité avec les personnes à la rue Entourage considère qu’il est nécessaire d’avoir une plateforme pour centraliser les actions des ONG et les disponibilités des volontaires. Cette première action d’Entourage a permis de constater une importante innovation à postériori en termes de mobilisation des acteurs.

Pour réussir il faut créer un écosystème

Jean Marc Potdevin

Entourage

Le numérique, outil de convergence des acteurs dans les pays en développement.

Les enjeux des Tech for Good sont multiples et prennent des formes bien différentes en fonction des contextes socio-économiques des régions où l’on souhaite développer des services technologiques innovants. Les acteurs étant implantés dans des pays en développement se heurtent régulièrement à des problèmes d’ordre opérationnels. L’enjeu le plus récurrents concerne la data et le principe de respect des droits de l’individu. La donnée recouvre des enjeux stratégiques déterminants dans le sens où elle est aujourd’hui considérée comme « L’or noir de XXIème siècle ». Ce constat est d’autant plus vrai dans les pays en développement si l’on considère que la mise en place de politiques publiques est encore complexe. Il y même certain pays où les statistiques publiques sont quasi inexistantes. Afin de palier à ce manque de politique publique et d’en initier de nouvelles les Tech for Good proposent des projets innovants autour de la collecte et la gestion de la donnée. Par exemple, très souvent dans les pays d’Afrique où moins de 15% du PIB vient du minier, le premier poste sont les télécoms. Là où une entreprise privée peine à trouver de la rentabilité dans le secteur de l’énergie dans l’Afrique rurale, la structure Sunna Design lance Moon un projet innovant consistant à vendre à crédit des kits d’accès à l’énergie ainsi que des smartphones semi-fermés avec du contenu sur l’éducation, la santé etc.

Dans un autre registre Isahit, plateforme internet socialement responsable d’externalisation de projets digitaux, ouvre les emplois digitaux aux femmes, 500 créations de poste dans 11 pays en tout. Une initiative qui répond à des enjeux transversaux comme celui de l’insertion professionnelle et de la bancarisation des femmes grâce à l’acquisition de smartphone. En effet, ceci permet une forte avancée en termes d’inclusion par le biais de l’autonomisation de la gestion de leur revenu.

L’enjeu principal pour toutes ces structures est désormais le changement d’échelle et le numérique propose des outils pour répondre à cela. Toujours dans cette optique de créer des partenariats multi acteurs, l’entreprise Afrobytes a développé un Marketplace BtoB créant ainsi des ponts entre l’écosystème des entreprises Tech africaines et le reste du monde. Ces échanges donnent régulièrement lieu à des rencontres à Paris toujours dans l’objectif de faire naitre des collaborations avec le secteur Tech for good français et mondial.

Il faut casser l’optimisation en silo et rassembler les ressources, le temps et la confiance sont essentiels pour initier les synergies. 

Roxane Bibard

Soscience

L’Agence des Micro-Projets, elle, travaille à la restructuration des écosystèmes numériques dans les pays en développement par le biais de sa plateforme de dépôt de dossier et d’accompagnement en ligne de projets locaux. Cette initiative favorise le co-financement entre bailleur ainsi que les rencontres avec bailleurs et porteurs de projet.

L’application de ces mesures se heurte régulièrement à des freins empêchant le développement du numérique dans certaines régions. Premièrement la concurrence entre les différents acteurs comme les bailleurs et les ONG rend très complexe le partage de la donnée. De plus l’incompréhension des politiques sur le potentiel des technologies et la méfiance des utilisateurs envers le secteur public pousse les entreprises à s’orienter vers le secteur privé et délaisse ainsi la création de politiques publiques.

Il est également nécessaire de pallier au manque de formation aux outils : Sunna Design doit, par exemple, faire de la formation dans leurs boutiques sur le terrain, l’éducation fait désormais partie intégrante de leurs services. Isahit a mis en place pour les jeunes femmes qui ne sont pas « digital native » un partenariat avec Open Classroom les aider à passer du numérique seul outil de communication à un outil de travail. Des grands progrès ont été réalisés grâce à la numérisation néanmoins il reste aujourd’hui un clivage fort entre l’urbain et le rural dans beaucoup de pays rendant difficile le déploiement de technologies.

Des solutions Tech&Science4Good pour un monde 3Zéro
Le numérique et l’emploi

En fournissant un service numérique de qualité, Access Inclusive Tech, a su mettre en place un levier unique d’insertion professionnelle et de retour à l’emploi sur des métiers en tension. Cette initiative part du constat que le numérique peut être excluant s’il n’est pas maitrisé. Leur challenge est de faire des technologies un tremplin vers l’emploi. C’est dans ces conditions qu’ils ont basé leur plateforme numérique sur un process de recrutement sur le potentiel. Cet outil d’insertion à l’emploi sur des métiers d’avenir est un réel facteur d’inclusion  vers le monde du travail.

Avec pour objectif de privilégier une approche par le local et sortir d’une perspective numérique pour tout. Lulu dans ma rue est une structure très hybride avec un ancrage physique et local considéré comme fondamentale. Lulu dans ma Rue a permis d’aller plus loin en réinventant les petits boulots qui ont été en partie détruits par le numérique.

Aujourd’hui il y a 500 lulus et 80 salariés. La rémunération moyenne est de 800 euros par mois pour 15 à 20h/mois. 40% des lulus ne travaillaient pas depuis plus de 2ans. Les autres sont des étudiants, retraités ou des personnes souhaitant compléter leur revenu. Cette diversité des profils est importante. Les Lulus ne cherchent pas qu’un travail mais aussi une communauté. Nous ne sommes pas là dans une ubérisation.

Les dangers de l’automatisation des emplois, par Bernard Stiegler  

Une étude du cabinet Roland Berger avance que 3 millions d’emplois seront détruits en France d’ici dix ans. Mais d’autres travaux de recherche dessinent un horizon dans lequel 47 % des emplois seront automatisables aux États-Unis, 50 % en Belgique et en France au cours des vingt prochaines années. Nous sommes entrés dans la troisième vague d’automatisation de l’histoire. Ce qui entraine une « prolétisation » de l’emploi. Si les évolutions notamment vers l’automatisation sont inéluctables, « il ne faut pas protéger l’emploi mais le travail ». Le travail c’est du savoir, de la production mais pas une tâche aliénante. La technologie à ce titre est un bien et un mal. Il faut lutter contre l’[1]anthropie en développant les savoirs sur lesquels reposent les communs. Cela nécessite un gros investissement c’est pourquoi il faut un revenu conditionnel. Dans l’emploi d’aujourd’hui, le travailleur est dépossédé de son savoir-faire. Il doit suivre une méthode et s’en remettre à un logiciel – jusqu’au jour où, la tâche étant devenue automatisable, l’employé est licencié. Le travail est au contraire une activité au cours de laquelle le travailleur enrichit la tâche, exerce son savoir en le différenciant, et apporte sans cesse du nouveau à la société. Ce travail-là produit de la [2]néguentropie, c’est-à-dire, aussi, de la valeur, et il n’est pas automatisable parce qu’il consiste au contraire à désautomatiser des routines. L’automatisation en cours doit redistribuer une partie des gains de productivité en vue de financer un temps de capacitation de tout un chacun au sein d’une économie contributive permettant de valoriser les savoirs de chacun. C’est pour cela que nous préconisons l’adoption d’un revenu contributif, ce qui n’est pas la même chose que le revenu universel. Il s’agit de créer un laboratoire sur un territoire donné et de voir ainsi la « localité dans sa globalité ». L’économie de demain va être une lutte contre l’anthropie. L’avenir réside dans le  développement des savoirs, et le soutien de la lutte contre l’anthropie. Si on ne sort pas de [3]l’antropocène dans 20 ans, la situation risquera d’être irréversible. Nous ne pouvons rester dans l’anthropocène, cette ère dominée par l’homme depuis 250 ans, et le numérique rend ça possible.

 

Le numérique et la santé

L’enjeu principal du secteur de la Tech for Good d’un point de vue médical est l’accès à l’expertise médicale en cas de maladie grave nécessitant un très haut niveau d’expertise. Deuxième Avis a pour objectif de réduire l’inégalité d’accès à cette expertise, pour se faire ils ont mis en place des questionnaires médicaux numériques où les informations des patients sont téléchargées et auquel un médecin spécialisé répond à distance en 7 jours. Ceci permet au le médecin d’ouvrir un dossier complet et structuré, de répondre plus rapidement à plus patients et de ne faire payer aucune charge au patient.

Pour répondre aux enjeux de la santé maternelle, EchOpen travaille au quotidien sur la réalisation de matériel d’imagerie médical, peu coûteux et open source connecté à un smartphone. Une initiative avec pour vocation de rendre accessible ce service à toutes les femmes enceintes même dans les zones médicalement défavorisées. Le numérique rend ce projet possible en incluant l’intelligence artificielle et l’autonomisation des diagnostiques.

Le numérique et ville durable

Pour I wheel Share « La ville durable serait une ville qui ne serait pas excluante ». Le développement de leur Chatbot – Wilson – polyglotte à destination des handicapés permet de cartographier des lieux et expériences adaptés ou non aux personnes en position de handicap. C’est un travail sur le dernier maillon qui est d’informer l’utilisateur final. Cette application mobile est devenue un vrai chasseur de données où chacun peut s’exprimer et collecter de la donnée dans le but d’améliorer le quotidien des personnes handicapées citadines.

Numérique et Education

LearnEnjoy a pour ambition avec son application de personnaliser l’éducation, un enjeu qu’ils présentent de manière réaliste aux enseignants grâce au numérique. Cette plateforme propose des exercices et un suivi personnalisé de chacun de ses utilisateurs. Pour gagner en efficacité, une convention de partenariat avec l’Education Nationale a été réalisée ainsi qu’une coproduction de manuels. Avec plus de 10 000 utilisateurs et la création d’une base sécurisée de données éducatives individuelles permet désormais à l’enseignant d’adapter sa pédagogie. Dans une logique de dépasser le cadre de l’éducation LearnEnjoy collabore étroites avec les secteurs de la santé et du médico-social, avec qui il partage les données collectées nécessaires à certains dossiers médicaux.

[1] Désigne ce qui est dû à l’action de l’homme.

[2] Terme emprunté à la science physique. Désigne la diversification, l’innovation, la production d’une valeur durable.

[3] Epoque dans laquelle l’Homme évolue depuis le XVIIIème siècle et la révolution industrielle. Domination de l’Homme sur le système terrestre.

ILS ÉTAIENT PRÉSENTS POUR EN PARLER

 

  • Jean-Christophe Arnauné, Acces Inclusive Tech
  • Gilles Babinet, Conseil National du Numérique
  • Thierry Barbaut, Agence des Micro-Projets
  • Frédéric Bardeau, Simplon & France Eco-Sociale Tech (FEST)
  • Jean-Marie Bergère, METIS – Correspondances européennes du travail
  • Marion Ben Hammo, Fondation de France
  • Roxane Bibard, Soscience
  • Geneviève Fontaine, Centre de recherche TETRIS
  • Pauline d’Orgeval, Deuxième Avis

 

  • Raphael Lurois, La Guilde
  • Basile Michardière, MakeSense
  • Isabelle Mashola, Isahit
  • Haweya Mohamed, Afrobytes
  • Jean-Marc Potdevin, Entourage
  • Gaele Regnault, LearnEnjoy
  • Thomas Samuel, Sunna Design
  • Alexis Sarrut, France Eco-Sociale Tech (FEST)
  • Audrey Sovignet, I wheel share
  • Bernard Stiegler, Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou
  • Charles-Edouard Vincent, Lulu dans ma Rue
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