250 millions d’enfants dans le monde ne savent ni lire ni écrire après 3 ans d’éducation primaire et près de 60 millions ne sont pas scolarisés. Dans un contexte où le taux de pénétration du mobile ne cesse de progresser, la Tech constitue un formidable levier d’accès à une éducation de qualité pour tous. Reste à savoir comment l’utiliser pour la mettre au service de la lutte contre les inégalités sociales.
Bien utilisées, les technologies transforment les pratiques pédagogiques en libérant du temps à l’enseignant à travers l’automatisation de tâches ou la transmission de connaissances. Elles aident également à mieux caractériser les besoins des élèves en assurant un suivi personnalisé et une progression calée sur leur rythme d’apprentissage. Bibliothèques Sans Frontières a pu le mesurer en adaptant, en français, la Khan Academy. Cette plateforme en ligne gratuite d’apprentissage personnalisé des mathématiques et des sciences réunit plus de 2 millions d’utilisateurs francophones, dont 45 000 enseignants.
Pourtant, malgré les immenses opportunités offertes par la Tech, le mirage n’est jamais loin. Rien ne sert d’équiper les élèves et les enseignants de matériel informatique si le numérique ne vient pas en renfort à la pratique pédagogique. Les études montrent que la mise à disposition de contenus, sans médiation, n’a pas d’effets sur les résultats académiques[1]. Combien d’exemples de tableaux blancs interactifs délaissés par des enseignants qui n’ont pas été formés à leur usage ?
Depuis 10 ans, Bibliothèques Sans Frontières travaille autour des usages du numérique pour l’éducation et la diffusion de la culture. L’Ideas Box, une médiathèque en kit créée pour les camps de réfugiés mais très vite adoptée dans les pays développés pour atteindre les publics isolés, est un bon exemple de comment les technologies peuvent démultiplier l’impact de projets éducatifs traditionnels. Toutefois, un constat est clair aussi : la part centrale de l’investissement ne doit pas se faire sur le matériel ou la plateforme web en vogue mais sur la formation et l’accompagnement au quotidien des acteurs de terrain.
La fracture numérique est en train d’être résorbée. Mais une nouvelle fracture sur le plan des usages apparaît et redessine la carte mondiale des inégalités. Mettre la Tech au service de l’éducation signifie donc aussi accompagner les enseignants, les parents et les élèves dans l’appropriation des technologies. Il faut toujours garder à l’esprit que la capacité de calcul d’un ordinateur ne remplacera jamais l’empathie et la bienveillance d’un enseignant. La pédagogie de demain sera un savant mélange d’humain et de technique, l’éducation augmentée.
Jérémy Lachal, Directeur général, Bibliothèques Sans Frontières
[1]Glewwe, Paul, Michael Kremer, Sylvie Moulin, and Eric Zitzewitz. 2004. « Retrospective vs. Prospective Analyses of School Inputs: the Case of Flip Charts in Kenya. » Journal of Development Economics 74(2004): 251-68.
Glewwe, Paul, Michael Kremer, and Sylvie Moulin. 2009. « Many Children Left Behind? Textbooks and Test Scores in Kenya. » American Economic Journal: Applied Economics 1(1): 112-35.