« Un art qui a de la vie ne reproduit pas le passé ; il le continue ». L’histoire de Corail Artefact pourrait être racontée comme l’allégorie de ce verbatim qu’Auguste Rodin avait formulé il y a de cela plus d’un siècle. Cette histoire, c’est avant tout celle d’une rencontre entre un homme et un objet dont l’esthétique est venue altérer le cours de sa vie. Arpentant un marché d’Emmaüs, Jérémy Gobé tombe sur un corail dont la forme unique l’inspirera au point d’être à l’origine d’un projet ambitieux, qui deviendra plus tard Corail Artefact. Ce programme de Recherche Développement et Innovation (RDI) se propose en effet d’associer art, science, industrie et éducation pour sauvegarder l’existence de deux tissus en voie d’extinction : le tissu corallien et le tissu industriel français. Désormais connu pour ses œuvres exposées dans le monde entier, allant de Dubaï à Paris en passant par New-York, le travail de Jérémy Gobé effectué dans le cadre de sa structure peut être lu comme la matérialisation artistique des aspirations du 3Zéro : celles d’une ambition toujours renouvelée d’embrasser les dimensions sociales, économiques et écologiques dans un seul et même mouvement, entraînant les individus vers un avenir plus responsable et inclusif.
« Avant de résider à Paris, j’habitais en Lorraine où j’ai pu voir autour de moi toutes les usines de textile fermer. La matière textile m’est devenue familière, elle est le matériau de mes sculptures et le matériau vers lequel je reviens quand j’ai des doutes ou quand j’ai besoin de me sentir bien ».
Été 2017. Sur invitation de l’association lyonnaise HS-Projets, Jérémy Gobé se rend à Clermont Ferrand pour participer à participer à l’édition 2018 du Festival International des Textiles Extraordinaires. Puisant dans les coutumes locales, il y créé une œuvre en s’inspirant de la technique de dentelle traditionnelle du Puy en Velay, la dentelle au fuseau, qui s’exprime particulièrement en un point de dentelle emblématique : le point d’esprit. Les motifs de cette technique ont immédiatement fait ressurgir l’image du corail qu’il avait rencontré précédemment, lui inspirant un an plus tard la création de Corail Artefact. Le projet se propose depuis d’explorer les solutions à mi-chemin entre la science, l’industrie et l’art pour sauver le corail et l’industrie textile française.
« Le marché de l’art a éloigné l’artiste de la société », déplore Jérémy Gobé. Pourtant, l’art a aussi vocation à inviter les individus à entrer dans une relation de proximité avec les choses : là où les coraux semblent recouvrir une réalité lointaine pour un urbain de France métropolitaine, l’œuvre d’art rappelle que nous sommes pourtant intimement liés à leur survie.
La destruction des récifs de coraux, qui agissent comme une protection des côtes contre la houle océanique, entraine logiquement des conséquences sur les populations côtières, alors contraintes d’abandonner leurs terres. Avec ces 57 557 km² de récifs coralliens dans les trois océans du monde, la France se positionne en 4ème position des pays possédant les plus longs récifs. Cette disposition géologique particulière lui impose une responsabilité morale et pratique dans leur préservation.
Face à la disparition inquiétante de ces espèces vivantes, Corail Artefact a travaillé à la création d’une « dentelle 2.0 » capable de protéger et régénérer les coraux. Cette dentelle en coton, améliorée par des fibres particulières, constitue un support idéal de régénération. Elle dispose en effet de trois qualités majeures pour la régénération des coraux : rugosité, souplesse et transparence, en plus d’être biosourçable, biodégradable et biomimétique. Parallèlement au protocole scientifique établit pour la création de cette dentelle, un béton écologique a été développé pour aider les coraux à se fixer, et le plastique banni de la production. Corail Artefact propose désormais des objets esthétiques respectueux de l’environnement puisqu’ils s’appuient sur du prototypage 3D avec des matériaux écologiques, biosourcés et compostables.
Par l’intermédiaire du projet « Enfants Ambassadeurs », Corail Artefact joint une dimension éducative à son ambition de décarboner ses activités de production. Des enfants situés majoritairement dans des milieux défavorisés sont ainsi invités, au travers d’activités scientifiques, manuelles et créatives, à devenir de jeunes ambassadeurs de la protection des coraux et de l’environnement.
L’éducation et la sensibilisation aux enjeux environnementaux ne s’arrêtant pas aux murs de l’école, ce sont également certains lieux publics qui ont été investis. Ainsi de la Gare Saint-Lazare, à Paris, où se trouve Coalition, une œuvre imposante faite de dentelle et recouverte d’un voilage particulier. Celui-ci est en effet capable de dépolluer l’air, et a nécessité deux ans de développement ; c’est à la fois un hommage rendu au savoir-faire et à la tradition de l’artisanat textile français et l’illustration du lien entre savoir-faire traditionnel et innovation.
C’est aussi un moyen de sensibiliser le public à la disparition du corail « Cerveau de Neptune », dont le motif vermiculé caractéristique est repris dans cette œuvre, mais également dans de nombreux monuments parisiens, comme le Louvre, symbolisant la circulation de la vie que l’artiste déploie dans son travail. Car c’est cela qui motive Jérémy Gobé, derrière Corail Artefact : ramener l’art dans la vie.